NOTES

 

Ces deux phrases résument, assez exactement, le texte d'Abd Al-Latîf tel que le traduit Silvestre de Sacy: « J'ai vu sur les bords de la mer, du côté où elle avoisine les murailles de la ville, plus de quatre cents colonnes brisées en deux ou trois parties, dont la pierre étoit pareille à celle dont est faite la colonne des piliers, et qui paraissoient être à celle-ci dans la proportion d'un tiers ou d'un quart. Tous les habitants d'Alexandrie, sans exception, assurent que ces colonnes étoient dressées autour de la colonne des piliers; mais qu'un gouverneur d'Alexandrie nommé Karadja, qui commandoit dans cette ville pour Yousouf fils d'Ayyoub (Saladin), jugea à propos de renverser ces colonnes, de les briser et de les jeter sur le bord de la mer, sous le prétexte de rompre l'effort des flots et de mettre ainsi les murailles de la ville à l'abri de leur violence, ou d'empêcher les vaisseaux ennemis de mouiller contre les murs. C'étoit agir en enfant, ou en homme qui ne sait pas distinguer le bien du mal.

J'ai vu pareillement, autour de la colonne des piliers, des restes assez considérables de ces colonnes, les uns entiers, les autres brisés; on pouvoit juger encore par ces restes que ces colonnes avoient été recouvertes d'un toit qu'elles soutenoient. Au-dessus de la colonne des piliers est une coupole supportée par cette colonne. Je pense que cet édifice étoit le portique où enseignoit Aristote, et après lui ses disciples; et que c'étoit là l'académie que fit construire Aristote quand il bâtit cette ville, et où étoit placée la bibliothèque que brûla Amrou ben-Alâs, avec la permission d'Omar. » (Relation de l'Egypte par Abd-Allatif, médecin arabe de Bagdad..., le tout traduit et enrichi de notes historiques et critiques par M. Sylverstre de Sacy, Paris, 1810, p. 182-183)

Cette exactitude de l'extrait de ce texte donné par Hugo fait problème. Car il ne peut provenir d'aucune autre source connue de nous: toutes reproduisent cette curieuse formule de la « colonne des piliers » mais pas une ne mentionne qu'elle avait dû, aux yeux d'Abd Al-Latîf, suporter une coupole - ce qui se conçoit, personne n'ayant jamais vu une telle construction dans le monde hellénistique. Hugo serait-il remonté à la source dont Matter donne la référence exacte? Ce n'est pas exclu mais ce livre ne figure dans aucun catalogue de la bibliothèque de Hauteville House. Surtout, la date de 1220 que Hugo fixe pour le voyage d'Abd Al-Latîf ne provient pas du livre de Sacy, ni d'aucun des autres documents que nous avons consultés.